Et voilà.
Le web version 3.0.
Pour ceux qui avaient loupé la version 2, voici un petit récapitulatif :
Le web 1, c'est la publication de contenus sur Internet. Les sites classiques ou vitrines, comme celui de votre agent immobilier.
Avec le web 2, chacun devient créateur et pas seulement lecteur. On publie, commente, connecte, ... au travers des réseaux sociaux par exemple.
C'est aussi l'essor des services en ligne. On réserve son billet de train, on rédige ses notes personnelles, on tient sa comptabilité, on traite ses mails.
Pour permettre ce niveau d'interaction, on a ramené plein de code JavaScript dans le navigateur.
Alors ce web 3, qu'est-ce que ça change concrètement ?
Le web version 3 s'appuie sur une nouvelle technologie : la block-chain.
Pour faire simple, c'est un algorithme qui met de la confiance dans les échanges entre inconnus, en supposant que certains parmi eux ont des intentions malveillantes.
Avec la block-chain, il n'est plus nécessaire de faire confiance à une entité centralisée (Google, Amazon, Twitter, Crédit Agricole, ...) pour utiliser des services en ligne.
Le web 3, c'est la décentralisation.
Et c'est aussi la prise de conscience de la valeur des données digitales. Elles deviennent des actifs numériques dont on jouit librement du droit de propriété.
Avec le web 3, aucune entreprise ne détient exclusivement les données de ses utilisateurs.
Parce que les données sont dans la block-chain.
Web 1 : 🏢 les entreprises créent des données au profit des entreprises 🏢
Web 2 : 🧑 les gens créent des données au profit des entreprises 🏢
Web 3 : 🧑 les gens créent des données au profit des gens 🧑
Exemple : un journal d'informations en ligne
NB : dans la suite, on parle du site lemonde.fr, mais c'est un exemple fictif. Toute ressemblance avec des événements réels serait fortuite...
Web 1 : je suis abonné au site en ligne lemonde.fr
pour y lire des articles à condition d'être abonné. L'entreprise créé ses articles avec ses journalistes, pour vendre la consultation à son profit.
Web 2 : lemonde.fr
me propose une nouvelle fonction "vous êtes le rédac' chef" pour composer mon propre journal avec des articles que j'écris moi-même.
MON journal est publié auprès de MA communauté que JE fais payer.
L'entreprise lemonde.fr
se rémunère sur ces nouveaux abonnements en prélevant un %. Si elle le décide, elle peut fermer du jour au lendemain mon journal perso (bah oui, il est physiquement sur ses serveurs, dans sa base de données).
Ainsi, avec le web2, l'entreprise gagne de l'argent sans rien écrire. Sans journaliste. Mais seulement en mettant à disposition une plateforme permettant à chacun de s'improviser journaliste.
Web 3 : plus besoin de lemonde.fr
. Plus d'entreprise, ni serveur, ni base de données. Les articles sont publiées dans la blockchain. Tout le monde peut les lire.
Par contre, je vends des droits de publier un article. Ce droit est un actif numérique qui peut se vendre ou s'échanger sans que PERSONNE NE PUISSE Y METTRE UN TERME !
Si mon journal a du succès, les droits de publication vont prendre beaucoup de valeur. En tant que créateur du journal, je vais pouvoir créer un droit supplémentaire et le vendre à prix d'or.
En contrepartie, je perds le contrôle de la ligne éditoriale... Si tous les droits sont achetés par des fans de Mylène Farmer, mon journal se remplira d'articles sur Mylène Farmer...
Et alors ?
Si cette stratégie éditoriale conduit à perdre tous les lecteurs, c'est la valeur des droits qui s'effondre. Donc ceux qui les détiennent qui vont être pénalisés. Or l'intérêt d'un détenteur d'un droit de publication est plutôt de réfléchir à la façon de faire fructifier son actif. Il va donc être incité financièrement à écrire des articles qui intéressent des lecteurs.
Vous voyez le changement de logique ?
Le Web3 c'est le far-west.
C'est l'acquisition d'un lopin de terre avec le projet pour en faire quelque chose de nouveau qui va avoir beaucoup de valeur.
Mais avec une terre virtuelle. Potentiellement illimitée.
C'est la transparence. Et c'est aussi la dérégulation ultime de l'internet.
Comment ça marche ?
La block-chain, c'est une base de données complètement décentralisée, composée de blocs.
On ne peut pas modifier les blocs déjà présents. On peut uniquement en ajouter un nouveau. Un peu comme le cahier des écritures comptables.
Pour ajouter un nouveau bloc, il faut effectuer un traitement informatique coûteux qui va constituer une barrière à l'entrée suffisamment dissuasive pour empêcher des petits malins d'ajouter des données erronées.
Ces traitements informatiques coûteux sont réalisés par des mineurs.
Pas les mêmes que dans Germinal.
Un mineur, c'est quelqu'un qui utilise son ordinateur pour faire les calculs de la block-chain. Bien sûr, il ne le fait pas gratuitement. Il est payé pour ça, par ceux qui lui demandent de faire le calcul. Du coup, il y a des milliers de mineurs dans le monde, qui se distribuent le travail. Et c'est ce réseau maillé qui fait la force de la block-chain.
Mais quel est le calcul fait sur l'ordinateur d'un mineur ?
Les smart-contracts
Reprenons notre exemple d'un journal publié sur la block-chain.
On voit bien qu'il va falloir un moyen de :
- publier un nouvel article, à condition de détenir un droit de publication,
- créer un nouvel abonnement, à condition d'être le propriétaire du journal,
- vendre un abonnement à quelqu'un, à condition d'en être le détenteur actuel.
Ou va-t-on coder ça ?
Dans un smart-contrat.
Un smart contract, c'est un bout de code qui va être exécuté par des mineurs pour créer de nouveaux blocs dans la block-chain.
Ouch.
Voila une phrase à noter pour le repas de famille à Noël.
Un smart-contract s'écrit dans un langage spécifique (solidity). Il comporte 3 types de fonctions :
- les Vues, qui consistent à lire une information dans la block-chain, sans rien y écrire. Par exemple, obtenir la liste des articles du journal. Pas besoin de payer pour faire ça, puisqu'on lit des données publiques.
- les Mutations qui vont écrire dans la block-chain. Par exemple, la publication d'un nouvel article. Une mutation nécessite un (petit) paiement pour son exécution (pour payer les mineurs). On appelle ça l'essence ("Gas").
- les Paiements, qui sont des mutations que l'on réalise à condition de les accompagner d'un paiement en crypto-monnaie (en + de celui nécessaire à leur exécution). Par exemple : l'achat d'un droit de publication. Après cet achat, je vais être ajouté à la liste des personnes autorisées à écrire dans le journal. Cette liste blanche est inscrite dans la block-chain.
Donc la liste des auteurs est publique ?
Oui.
Mais on n'y trouve pas de nom, ni d'email.
On y trouve une adresse.
Surfe avec ton porte-monnaie
Pour utiliser un smart-contract, il faut être authentifié par une adresse unique.
Cette adresse sert à revendiquer la propriété d'une somme d'argent, ou d'un actif numérique.
C'est le porte-monnaie d'un utilisateur.
Le web3, c'est le web avec sa carte de crédit en permanence connectée.
Et oui.
Puisqu'il n'y a plus d'hébergeur rémunéré par l'entreprise qui propose le service en ligne, ce sont les utilisateurs qui se partagent les frais de fonctionnement.
A chaque appel d'une mutation d'un smart-contract, il vous faut payer l'essence nécessaire à l'ajout du bloc dans la block-chain.
C'est aussi plus lent. Lorsque tout est centralisé sur un serveur, une modification est enregistrée dans la base de données du serveur en quelques millisecondes.
Mais lorsqu'il faut ajouter un bloc dans la block-chain, c'est plus long. Et ça dépend de l'essence que vous mettez dans l'exécution : plus vous y mettez le prix, plus les mineurs sont incités à la prendre en compte en priorité.
Pour le moment, on a donc un problème de coût de transaction et de temps de traitement qui limite le passage à une grande échelle. Mais la recherche de solutions techniques est particulièrement active.
Coût d'accès. Temps de latence. Débit trop faible.
Je me rappelle qu'on avait exactement les mêmes limitations aux débuts d'Internet.